Parole de participante

Témoignage de Marie B.

Invitation  au voyage

La découverte du Théâtre de l’Homme qui marche (NDLR : ancien nom de  La Marcheuse) a été pour moi une vraie rencontre : découverte d’un théâtre corporel, découverte d’un monde onirique, découverte d’un champ des possibles à explorer. Cela tient beaucoup  au guide de cet univers, cette femme qui marche, qui nous a menés progressivement sur une autre voie/voix : Sophie Hutin.

Ce qui caractérise avant tout le travail de Sophie avec ses participants c’est  l’échange : échange d’énergie et de bienveillance. Nous sommes là pour expérimenter, apprendre, tenter, recommencer. Sophie apporte des repères, des possibilités, nous engage à avancer sur notre propre voie. L’alchimie prend parce qu’on est dans une mise en danger qui est avant tout synonyme de joie et de jeu.

Le masque neutre

Le premier atelier animé par Sophie était construit sur une visite du théâtre corporel dans la continuité de la pédagogie de Jacques Lecoq.

Energies, animalités, couleurs…

Nous avons cheminé aux grés des séances pour explorer ces nouveaux univers. L’expérience du corps était première. Bouger, se mouvoir, intégrer qu’un personnage est avant tout une présence sur scène avant de passer aux mots. Le masque neutre impose le silence : il ne parle pas, il est sans expression. C’est au corps de prendre le relais et de donner physiquement à voir.

J’ai en tête un exercice qui d’abord nous a laissé perplexe. Sophie s’est munie d’une feuille de papier, elle l’a roulé en boule, elle l’a laissé progressivement se déployer puis s’en ai munie pour la déchirer. « Voilà, vous êtes la feuille, à vous de jouer, nous a-t-elle lancé avec un regard malicieux ».  Et nous sommes passés sous le masque. Les 6 participants se sont prêtés au jeu, amusés par la transposition. De l’abstraction de la feuille martyrisée sont nés des personnages tragiques tous différents.  Le pas était franchi.

Petit à petit, ce premier atelier nous a donc permis de construire un personnage  unique dont l’identité n’était pas  une quête psychologique, : que pense-t-il ? Quelle est sa vie ? mais une recherche sur sa manière de se déplacer, de s’ancrer au sol, de se mouvoir dans l’espace, puis de parler, de s’exprimer. Une approche toute différente de ce que j’avais pu expérimenter avant qui m’a donné envie de poursuivre.

Le clown

Le deuxième atelier était consacré au clown. Tous novices dans le groupe, nous avons découvert que le personnage au nez rouge n’était pas d’abord celui qu’on a l’habitude de côtoyer : celui du cirque, blagueur inconditionnel, au visage barbouillé.

Non le clown c’était le tragique de l’existence incarné. La réalisation d’exploits du quotidien avec toujours un mélange de joie immense, et de déception incommensurable.

Notre petit nez rouge, talisman pour entrer dans cet univers, s’est vu rejoindre au fil des séances par des accessoires. Si bien qu’au bout des 10 séances : chacun avait son clown, nourri de sa propre personnalité, habillé, prêt à affronter la sortie du rideau, le sourire du public.

La force de cet atelier c’était la construction au fil des séances : l’idée de développer, déformer une partie de soi-même  – posture, trait de sa personnalité – pour servir de base à la construction de son clown.

« Jo » a ainsi fait apparition dans ma vie, grand clown qui aimerait se faire tout petit, timide et curieux, prêt à relever tout les défis.

La Commedia dell’arte

Et puis il y a eu le passage aux masques de caractères, atelier animé cette fois par Pierre et Etienne. Forme théâtrale très ancienne, la commedia a souffert d’être tombée pendant des siècles dans l’oubli. Les deux animateurs nous ont donné à voir deux approches différentes de son apprentissage en lien avec l’imagerie et les points de compression.

L’imagerie donne des repères précis pour comprendre le fonctionnement et les déplacements des personnages, très codés socialement. Les points de compression du masque sur le visage laissent, au contraire, libre court à l’exploration personnelle : ils suggèrent un mouvement à agrandir pour trouver l’énergie des personnages.

Je garde en mémoire l’inoubliable séance d’escrime théâtrale où, tous armés de furets, nous nous sommes retrouvés tels des héros de film de cap et d’épée en train d’expérimenter comme des petits fous les différentes prises possibles.

Ce qui marque dans la Commedia c’est la codification des mouvements, jeu de plateau avec peu d’espace, chaque mouvement est signifiant. Donner le regard, le reprendre. Avancer, reculer, tout est codifié. Mais lorsqu’on commence à naviguer dans ces codes, on se régale. Les personnages stéréotypés nous permettent de devenir des archétypes : maître avare, serviteur stupide, jeune fille fraiche, capitaine timoré.  Et l’improvisation qui alimente la trame progressivement fixée donne une importante marge de manœuvre.

En guise de conclusion

Rejoindre le Théâtre de l’Homme qui marche c’est réapprendre à marcher… C’est redonner au corps la place première, faire de lui un matériau inépuisable d’expression et de création !